Livre du jour : Charles Bukowski : Hollywood
La langue originale: Anglais
Titre original: Hollywood
Traduction: Cécilia Ceriani
Année de parution: 1989
Évaluation: D’accord
Je ne pense pas me tromper lorsque je dis que nous avons presque tous goûté à Bukowski dans une certaine mesure dans notre jeunesse. C’est irrésistible, tout ce sale réalisme, parler ouvertement de sexe, d’alcool, de livres qui le disent le diable oui Merde, des types antisociaux qui se moquent des conventions. Une sorte de version cynique de Kerouac, Borroughs sur le chemin du retour. Un cocktail appétissant pour celui qui veut connaître le côté obscur des vices, des risques et des luttes. Bien des années plus tard, nous regardons ces histoires et bien sûr elles sont beaucoup moins impressionnantes, mais peuvent-elles encore être attrayantes ?
Le réalisateur commande Bukowski (ou son inévitable alter ego) Chinois) pour écrire le scénario. Après quelques hésitations, il parvient à y parvenir et il est désormais temps de faire le film. Ce sont toutes des difficultés avec les producteurs et les acteurs, le financement et les aléas de l’industrie, des problèmes que le scénariste réfléchit avec une certaine distance, lié au projet plus par amitié que par intérêt réel (au-delà de l’intérêt financier, bien sûr). De nombreux rebondissements qui surviennent, dont certains sont fous mais semblent bien réels, forment le corps de l’histoire du début à la fin.
Bukowski parle toujours de Bukowski, donc la lecture de tous ses livres nous donne quelque chose comme une biographie complète. Une telle tendance à nous raconter ses excès et ses aventures peut être un peu fatigante et même remettre en question la créativité de l’auteur. Mais bon, c’est indéniable qu’avec son caractère, il peut attirer beaucoup de fans qui apprécient sa dureté et son sarcasme. Nous comprendrons tout naturellement Hollywoodqui par ailleurs me semble être un texte monotone, un recueil d’anecdotes plus ou moins comiques qui n’apportent pas grand-chose au récit.
Bien sûr, Bukowski n’est pas un mauvais écrivain, non seulement avec un style très personnel et une action merveilleusement dominante (ce n’est pas pour rien qu’il est son propre protagoniste et peut étirer, embellir ou réinventer son expérience), mais il sait aussi placer des éléments qui enrichissent son histoire. Même si c’est dans une couche moins visible, on y décèle la décadence qui marque l’âge et une sorte de voyage involontaire, accidentel ou pas tellement, vers les lieux visités dans la jeunesse, point très faible qui plonge dans une ironie dominante, On peut dire que l’auteur ne veut pas être apprécié. Le rôle unique du scénariste transparaît également au fil des pages, c’est lui « fait battre les cœurs » de leurs personnages qui leur donne « des mots à dire », les fait vivre ou mourir; mais
Et où était l’écrivain ? Qui a déjà photographié un écrivain ? Qui a applaudi ? Mais Dieu merci, Dieu merci : l’écrivain était là où il devait être : dans un coin sombre, en train d’observer !
Oui, pourrais-je ajouter, ou plutôt au bar ou dans ce coin sombre en train de décanter quelques bouteilles de vin. Parce que si l’on s’arrêtait pour compter les bouteilles vides (surtout le vin, mais aussi le whisky, la vodka, peu importe) dans cette histoire, on obtiendrait ce chiffre proche du google que nous connaissons si bien, et ce n’est pas pour rien la présence d’alcool. Les histoires de Bukowski, ou sa propre vie quotidienne, font partie de ces choses qui sont drôles au début, je dirais sympathiques, mais une fois la ligne franchie, elles commencent à devenir vraiment agaçantes. Peut-être aussi parce que, qu’on le veuille ou non, il y a un léger air d’auto-parodie dans tout : l’auteur aime se présenter comme un alcoolique irréductible qui a appris à intégrer son vice avec une certaine dignité, et aussi comme un senior. un enfant de six ans qui n’a peur de rien, un survivant qui se moque du monde et de ses petits malheurs.
Bien sûr, l’attitude critique de l’industrie cinématographique, le gouvernement impitoyable de l’argent et des ambitions, les caprices des stars et la mesquinerie des producteurs, le mensonge caché dans les soirées ennuyeuses où chacun cherche sa chance, sont pertinents. Et il y a Bukowski, qui se cache ou fait signe, qui a l’air d’un type bien, qui cherche un serveur pour lui donner un autre verre.
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