Le diable et autres histoires

Le diable et autres histoires

Langue originale: Japonais

Traduction: Ryukichi Tearo/Ednodio Quintero

Année de publication: 1912-1925

Évaluation: Recommandé (avec des nuances)

Quelles histoires intéressantes, rassemblées Le diable et autres histoires. Publiés initialement entre 1912 et 1925, ils sont sous la plume du jeune Junichirō Tanizaki. La nouveauté de l’auteur se reflète principalement, comme le souligne la note introductive de ce volume, dans son « engouement (…) pour les formes et les coutumes occidentales » (p. 17). Également dans sa rapidité et son intensité narratives, qui fonctionnent parfois au détriment du développement organique de l’intrigue ou de l’exposition thématique.

Pour le reste, les histoires rappellent énormément l’œuvre de l’auteur, quel que soit l’âge auquel il l’a écrite. Surtout pour ses portraits psychologiques précis, sa tendance vers le côté obscur de l’homme, son érotisme décadent et sa subtilité stylistique.

Permettez-moi de m’attarder un instant sur les personnages créés par Tanizaki, car ils sont vraiment extraordinaires. À leur complexité, il faut ajouter une autre caractéristique : leur contradiction. La plupart d’entre eux sont des hommes, écrivains professionnels ou étudiants, et ont des prétentions artistiques ou un certain talent intellectuel.

Beaucoup d’entre eux sont conscients que leurs attitudes sont « criminelles », « immorales » ou « folles ». Cependant, ils trouvent des moyens de rationaliser leur méchanceté, leur égoïsme et leurs vices. Ils font surtout appel à la nature humaine, ou plutôt à leurs propres prédispositions en tant qu’individus. Mais cela ne les empêche pas, immédiatement après, de rejeter la responsabilité de ses manquements sur la société.

Considérons, par exemple, le personnage principal de « Le Chagrin de l’Hérétique », qui déclare d’abord : « Avant de se repentir de ce qu’il avait fait, Shozaburo préféra se haïr pour la faute irréparable qu’il considérait comme innée en sa personne. / Le repentir devrait être accompagné de repentance. Mais l’autocritique de Shozaburo ne l’a pas fait réfléchir à la nécessité de changer sa façon d’être. « Je savais parfaitement que je ne pourrais pas le faire même si je le voulais. » (p. 355). Le même personnage change radicalement de position et impute à sa « méchanceté » les « difficultés économiques qu’il a dû subir » (p. 347).

C’est vrai que certaines histoires Le diable et autres histoires bénéficierait d’un développement ultérieur. Par exemple, ceux qui se concentrent sur le portrait psychologique du personnage principal (« Criminel », « Confession » et « Haine ») offrent souvent une voix narrative et une caractérisation uniques ; Mais ils donnent l’impression qu’ils pourraient les insérer dans une intrigue plus vaste, comme c’est le cas dans « Jotaro le masochiste », « Heretical Sorrow » ou « Le Démon ».

Ces trois dernières pièces font d’ailleurs partie de mes préférées. Peut-être qu’ils ne sont pas parfaits car la finition et l’exécution ne sont pas aussi arrondies que je le souhaiterais. « Jotaro le masochiste » gaspille quelques personnages secondaires et ne tire pas le meilleur parti de son personnage principal ; D’un autre côté, « Sadness of Heretic » comporte des parties très puissantes, mais elles ne s’intègrent pas tout à fait dans l’ensemble ; Quant à « Demon », cela délimite à peine son noyau dur. En tout cas, les trois récits brillent par la puissance de leur prose, l’audace de leurs prémisses, leurs protagonistes mémorables et leur authenticité littéraire.

Une autre très bonne histoire, j’oserais presque dire parfaite, est « Le Petit Royaume ». En plus de reposer sur un postulat intéressant et original, il est magnifiquement dessiné.

À ce stade, je ne peux que résumer brièvement les textes qui composent Le diable et autres histoires:

  • « Création » : Un artiste veut associer deux beaux jeunes gens pour donner naissance à un fils parfait. L’intrigue et les personnages sont assez plats, donc je pense que son seul attrait est qu’il n’est raconté qu’à travers le dialogue (à quelques notes chronologiques près).
  • « Le Criminel » : Monologue sur un peintre qui s’est retrouvé en prison après avoir trompé une connaissance. Les réflexions qui surgissent au sujet de la psychologie du criminel sont extrêmement curieuses.
  • « Confession » : un interrogatoire qui tente d’expliquer les motivations derrière le passage à tabac, le vol et le meurtre d’un homme. Écrit sur une base de dialogue autonome, il présente un humour noir et une logique interne plutôt complexe.
  • « Hate » : Un récit intense et puissant de la haine dans sa forme la plus pure, avec toute sa cruauté et son irrationalité.
  • « Poignée de cheveux »: Trois amis métis rivalisent pour épouser une jolie femme russe. Une espièglerie agréable et divertissante qui se déroule lors du tremblement de terre de Tokyo-Yokohama en 1923.
  • « Fleur Bleue » : un quadragénaire se promène avec son amant adolescent. Structurellement, c’est peut-être le plus ambitieux, car il mélange avec la même aisance réalité et rêve, présent et passé. De plus, il offre des contrastes très puissants entre les Japonais et les Occidentaux.
  • « L’histoire d’une femme transformée en singe » : Une malheureuse geisha devient l’objet du désir d’un primate qui ne la laissera pas tranquille tant qu’il n’aura pas réussi à la posséder.
  • « Jotaro, le masochiste » : Un écrivain à succès se lance dans une aventure sordide pour satisfaire son désir.
  • « Le chagrin de l’hérétique »: le premier-né d’une famille pauvre et dysfonctionnelle Il a des scènes très puissantes comme celle avec le gramophone
  • « Le Démon » : Un étudiant de province part vivre avec sa tante en ville pour étudier le droit et se retrouve entraîné dans un triangle amoureux jaloux et pervers avec son cousin fourbe et jardinier jaloux.
  • « Petit Royaume » : Un enseignant tente de combattre un nouvel élève qui a pris le dessus sur tous ses camarades de classe avec une facilité étonnante.

En conclusion: Le diable et autres histoires Malgré son irrégularité, c’est une anthologie recommandée. Ses récits conservent une certaine unité thématique et tonale, mais présentent néanmoins une grande variété d’extensions et de techniques. Sans aucun doute, cette phase presque embryonnaire de Tanizaki, l’éternel candidat au prix Nobel de littérature, mérite d’être connue.

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Oliver Langelier

Une peu plus sur moi, passionné par les nouvelles tek et l'actualité. Je tâcherai de retranscrire toutes mes découvertes. Oliver Langelier