Marquise d’O… et autres histoires
Expression originale : langue allemande
Titre original : Marquise d’O…
Traduction: Carmen Bravo Villasante
Année de parution: 1807-1810
Évaluation: Recommandé
A vrai dire, l’évaluation pourrait être Intensepar exemple, parce que tout est ainsi chez notre ami Heinrich von Kleist, tant dans sa (courte) vie que dans son œuvre. Comme premier aspect, on pourrait dire qu’il incarnait le concept du romantisme dans toutes ses dimensions, dont il était l’un des représentants les plus éminents. Heinrich avait le gène qui fait que l’on se sent destiné à écrire le livre ultime, à atteindre l’absolu, à atteindre la limite ultime dans tout ce qui est émotionnel, à vivre la vie dans toute son intensité sans aucun calcul et à mourir au fur et à mesure. si nous parlons d’un personnage similaire. L’échec de ses œuvres et le mépris de ses contemporains sont d’autres éléments inévitables dans sa carrière d’auteur torturé et obsédé, de sorte que ce n’est que plusieurs années après sa mort que la valeur de son œuvre a commencé à être appréciée. Écoutez, on peut dire sans se tromper que sa propre vie aurait été son meilleur roman.
Il n’est certes pas surprenant que le public et les critiques n’aient pas particulièrement apprécié sa prose. Kleist écrit de manière quelque peu turbulente, avec un usage étrange de la ponctuation et une cadence apparente qui s’arrête pendant de longues périodes jusqu’à ce que l’action se paralyse et s’accélère soudainement pour accumuler des faits qui semblent parfois éphémères ou finalement engloutis par des points de suspension. . Et pourtant, ce n’est pas non plus sans grâce, comme cela arrive parfois avec ce type d’écrivain non-académique, disons libre, dont le style d’écriture semble transmettre sans filtre toutes les pulsions qui remplissent sa tête et son cœur. Ce ne sera pas une lecture agréable, mais elle laissera une agréable sensation de fraîcheur et de sincérité. Bien entendu, il y a deux cents ans, ces vertus n’étaient probablement pas valorisées de la même manière.
Le contenu des histoires explique aussi pourquoi elles n’étaient pas appréciées à l’époque. Cette intensité caractéristique est pleinement présente dans le récit, notamment dans celui-ci. Marsity O…ce qui a dû scandaliser les esprits bien-pensants de l’époque. Une martienne, veuve de bonne condition sociale, est enceinte et défend activement et passivement qu’elle n’a eu aucune relation que l’on puisse identifier comme le début d’une telle condition. Même si la situation n’est pas expliquée, la Martienne n’est pas stupide non plus, et afin de restaurer au maximum son honneur, elle annonce naïvement et de manière assez surprenante dans le journal qu’elle épousera celui qu’elle appelle son père. Bien sûr, il reçoit un rejet radical de la part de sa propre famille, en particulier de son père strict, et un certain comte russe, perdu et quelque peu mystérieusement amoureux d’un garçon en marche, se présente plein d’intentions. Un drame assez étrange, dans lequel certaines réactions inexplicables des personnages ne manquent pas, un élément choquant mais quelque peu attrayant qui abonde également dans le reste des histoires.
L’amour, toujours sujet à des instabilités complexes, est aussi au cœur de deux autres histoires, étonnamment situées dans des décors plutôt exotiques pour l’époque : un tremblement de terre au Chili (j’imagine le tremblement de terre de Valparaíso de 1730) et la révolution haïtienne à la fin de 1730. au XVIIIe siècle. Les amours paisibles et profonds sont soumis à des conditions extrêmes, mêlées de tragédies et de bouleversements sociaux, et il est peu probable qu’ils se terminent bien. Le mal semble toujours gagner : les crimes et les accusations injustes l’emportent sur la solidarité chilienne face à la tragédie, et la haine et la violence sauvage éclipsent les pures intentions des amants dans le contexte brutal de la rébellion noire dans la colonie française. Cette histoire, un titre innocent Fiançailles à Saint-Dominguemême si ça manque de subtilité Marsity O…me semble le mieux construit d’un point de vue narratif, avec une progression bien développée, des ingrédients d’horreur et de suspense, ainsi que des rebondissements et des malentendus de roman romantique.
Cela me semble moins pertinent Locarno a supplié qui clôt le livre, une petite histoire aux airs de mystère qui rappelle l’épisode original qui le commence La belle et la Bête (version Disney), laissant planer un doute sur la question de savoir si Kleist a pu être son inspiration ou s’il est celui qui, à son tour, a tiré son influence des histoires plus anciennes.
Bref, un petit livre qui se lit rapidement, avec un prologue très intéressant et très adapté pour connaître la chair du romantisme littéraire allemand.