Livre du jour : Benito Pérez Galdós : Tristana

Livre du jour Benito Perez Galdos Tristana

Expression originale : espagnol

Année de parution : 1892

Évaluation: Fortement recommandé (bien que quelque peu frustrant)

Les vacances ont toujours semblé être une période propice pour (re)lire les classiques : avec plus de temps à consacrer à la lecture, sans les habituelles urgences quotidiennes, sans la pression constante de l’actualité littéraire, c’est le moment idéal pour dépoussiérer. ces livres que nous avons laissés sur l’étagère ou sur la table de nuit « pour plus tard ». Il y a quelques années, pendant les vacances d’été, j’ai « avalé » Fortunata et Jacinta Un roman de Galdós que j’ai trouvé fascinant, impressionnant et excellent. Cette année j’ai choisi une œuvre plus modeste en longueur et en ambition : un roman Tristan (célèbre adaptation, quatre-vingts ans plus tard, par Luis Buñuel), qui m’a moins marqué que le grand roman de Galdos, mais qui montre néanmoins la maîtrise narrative de l’auteur dans toute sa maturité.

(Notez que cette critique provient de Tristan est un classique largement connu, il devient plus spoilers que d’habitude. Quiconque ne veut pas lire les détails de l’intrigue devra se contenter de le lire aujourd’hui Marque ou journal paroissial)

Tristan Dans sa structure la plus essentielle, c’est l’histoire d’un triangle sentimental : celui du chimérique et lazarin Don Lope ; le personnage principal, la jeune et innocente (du moins au début) Tristana, et le peintre Horacio. Tristana, une orpheline poussée par la vie dans la maison, les bras (et le lit) d’un Don Lope en difficulté, semble trouver un moyen de sortir de ses circonstances oppressantes lorsqu’elle rencontre un jeune homme, également orphelin et rêveur, lors de ses promenades dominicales, avec avec qui elle entame une relation d’abord platonique, puis charnelle, et dans la description de laquelle Galdós ne nous épargne pas le kitsch et la construction du langage typique des couples amoureux, surtout aux premiers jours de l’engouement et de l’engouement. idéalisation. Ce monde onirique est malheureusement brisé lorsqu’Horacio accepte de partir en vacances à Alicante avec sa tante et lorsque Tristana contracte une maladie qui lui cause d’atroces douleurs et conduit à l’amputation de sa jambe. Épuisée par son handicap et de nouveau emprisonnée chez elle, Tristana accepte de perdre l’amour d’Horacio et d’épouser Lope vieillissant. La dernière phrase est un exemple d’ironie et d’ambiguïté galdosienne : « Étaient-ils tous les deux heureux ? Peut-être.

Si l’on croit à la numérologie, on pourrait dire que le nombre principal de ce roman est trois : outre le triangle de caractères (sur lequel je reviendrai plus loin), la structure du roman est aussi clairement tripartite : les premiers chapitres de dans lequel Galdós montre sa maîtrise absolue dans la création de situations et de personnages ; le noyau central constitué par l’histoire d’amour entre Tristana et Horacio, dans laquelle Tristana « sort de son cocon » et devient une femme cultivée, indépendante et dotée d’une forte personnalité ; et le troisième acte, antithétique du deuxième, impliquant la maladie de Tristana, son amputation, la perte de son amour, et cette fin anti-climatique avec Tristana, une « femme libre », épousant un vieil homme et lui faisant des friandises de couvent.

Avec une telle structure, il est inévitable de penser que Galdós nous présente une vision désillusionnée et sceptique de l’amour ou de la libération de la femme. En fait, l’une des plus grandes questions soulevées à la lecture de ce roman est de savoir si nous sommes ridiculisés à cause de l’idée d’une femme indépendante et libre (cette Tristana qui apprend les langues, peint, joue du piano, cite les classiques et rêve de vivre sa vie sans attaches ni conventions), ou s’il s’agit plutôt d’une confirmation que cette « femme nouvelle » n’a toujours pas sa place dans l’Espagne de la fin du XIXe siècle. Il est peut-être pertinent de rappeler qu’à peu près au même moment lors de la compilation Tristana, Galdós entretenait une relation passionnée et épistolaire avec Emilia Pardo Bazán (en fait Tristan regorge de lettres entre amoureux qui peuvent refléter celles échangées entre les deux écrivains, dont certaines récemment publiées), qui fut à l’époque l’une des principales défenseures de ce modèle de femme libérée, indépendante et professionnellement active.

Le personnage de Don Lope est également intéressant (et est exploité par Buñuel dans son adaptation cinématographique, s’éloignant en quelque sorte de l’original de Galdós) : comme Tristana elle-même l’explique lorsqu’elle parle de lui à Horacio, il n’est pas démoniaque. ou un personnage démoniaque tout à fait repoussant, mais un curieux mélange d’homme de grand honneur et de valeur personnelle (à la manière d’Alonso Quijano ou de l’écuyer). Lazarille) et un vieil homme libidineux qui n’hésite pas à profiter d’une jeune fille innocente dont il a la garde. Le troisième acte, alors que Don Lope a déjà perdu tous ses charmes de jeunesse ainsi qu’une grande partie de sa fortune, nous montre un homme qui résiste à l’humiliation mais est capable de ravaler sa fierté envers Tristana (même s’il le fait peut-être de manière égoïste, en espérant qu’elle finisse par accepte de vivre avec lui, ce qui finit par arriver).

Comparé à ces deux grands personnages, celui d’Horacio semble bien plus obscur : on pourrait l’identifier au personnage féministe du « faux allié » qui apparaît dans d’autres romans de l’époque, comme Insolation D’Emilia Pardo Bazán elle-même (avec Tristan J’ose dire qu’il a certains liens) ou Déchiré De l’écrivaine portugaise Alice Pestana, dont j’ai déjà parlé ici. Ce sont des personnages masculins qui assument plus ou moins explicitement le discours et les approches féministes de la soi-disant « première vague », mais qui finissent par trahir pour se cacher derrière le conventionnalisme social.

Si tu reviens au début, tu ne peux pas dire ça Tristan être un chef-d’œuvre au niveau de l’ambition ou de la perfection Fortunata et Jacintamais dans sa plus petite échelle et son ampleur, c’est toujours un petit bijou dont tout écrivain peut apprendre en termes de développement de personnage ou de structure d’intrigue. C’est peut-être problématique idéologiquement car cela semble nier (voire ridiculiser) la possibilité d’une émancipation féminine, mais en tout cas c’est aussi une étude magistrale d’un triangle amoureux entre personnages complexes et imparfaits, chacun à leur manière.

Oliver Langelier

Une peu plus sur moi, passionné par les nouvelles tek et l'actualité. Je tâcherai de retranscrire toutes mes découvertes. Oliver Langelier